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Homélie de l'abbé Gonzague Renoul

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Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Ainsi soit-il.

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Chers frères et sœurs,

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Nous célébrons donc aujourd’hui une messe d’action de grâce à l’occasion des dix ans du rappel à Dieu d’Anne-Gabrielle. Je crois que ce terme de messe d’action de grâce convient parfaitement à la situation.

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Pourquoi messe d’action de grâces ? Bien souvent, le prêtre est dépassé par son ministère, il porte des habits trop grands pour lui, dans lesquels il flotte. C'est évidemment le cas lorsqu’il administre les sacrements en la personne du Christ. Un prodigieux courant de sainteté passe à travers ses mains, à travers ses pauvres gestes et il ne peut que se sentir tout petit devant cette sainteté. C'est particulièrement vrai lors de la sainte Messe, où le prêtre disparaît totalement, doit disparaître en tout cas, derrière la personne de Jésus qui est lui-même l’unique et souverain prêtre. Tenir le corps, le vrai corps sacré de Notre-Seigneur dans ses mains ! Il y aurait de quoi défaillir. Il y a en tout cas de quoi s’émerveiller et rendre grâce chaque jour et chaque minute de sa vie pour un tel don.

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Mais il y a d’autres moments où le prêtre se sent tout petit, dépassé par un mystère de sainteté. Au confessionnal, en direction spirituelle, nous avons parfois la grâce de rentrer en contact avec des âmes remplies de Dieu, des âmes que l’on devine si loin au-dessus de nous, si proches du Bon Dieu ! Elles nous éblouissent, elles nous émerveillent, elles nous encouragent à nous donner à notre tour complètement à Dieu. Et, même si le prêtre, spécialement dédié, par sa vocation, à ce ministère auprès des âmes, bénéficie de la grâce qui rayonne en elles, ce contact vivifiant avec la sainteté est aussi, Dieu merci, accessible à tous les fidèles. Là où les saints passent, disait le Curé d’Ars, Dieu passe avec eux. C'est comme si Dieu se laissait voir à travers certaines personnes, comme si nous pouvions discerner sa présence dans la vie d’âmes privilégiées, qui seraient d’ailleurs bien étonnées qu’on leur dise qu’elles produisent un tel effet. Chaque âme est en effet un reflet de Dieu, une pensée de Dieu et chacune d’entre elles nous laisse voir la beauté infinie de son Créateur, si elle est transparente, docile et soumise à son action.

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Voilà peut-être le sens d’une messe d’action de grâce en mémoire d’une personne défunte. Ce n’est pas une messe de canonisation, pas encore, ce n’est pas une messe en l’honneur d’une personne canonisée, c'est une messe en action de grâces pour les merveilles que le Bon Dieu a pu opérer dans l’âme d’une petite fille. Je ne suis pas vraiment légitime pour parler de ces merveilles, d’autres, présents ici aujourd’hui et, en premier lieu bien sûr sa propre famille, seraient bien plus qualifiés pour le faire.

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Mais, tous ensemble, nous pouvons rendre grâce, nous pouvons admirer, nous pouvons chanter, nous pouvons louer Dieu pour tout ce qu’Il a pu faire de beau dans la vie d’Anne-Gabrielle, sans pour autant, bien sûr, anticiper les jugements de l'Eglise. La sage lenteur de l'Eglise nous fait parfois attendre longtemps ses décisions ; mais en attendant rien ne nous empêche d’être dans l’action de grâce, c'est-à-dire, finalement, avec Anne-Gabrielle et, peut-être grâce à elle, de nous tourner vers Dieu pour Le remercier et L’admirer.

Soit en la voyant vivre, soit en lisant sa vie, nous avons vu Dieu, nous avons constaté son action, nous avons été témoins des merveilles de son amour, nous avons levé un coin du voile du mystère. En parlant de Jésus, le Verbe incarné, saint Jean pouvait écrire : « Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie, nous vous l’annonçons. Oui, la vie s’est manifestée, nous l’avons vue et nous rendons témoignage : nous vous annonçons la vie éternelle qui était auprès du Père et qui s’est manifestée à nous ». Mais, si, là où les saints passent, Dieu passe avec eux, alors nous pouvons appliquer ces mots à toute vie de saint. La vie éternelle qui est auprès du Père s’est manifestée à nous, par les saints.

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Faisons donc monter nos remerciements au Dieu trois fois saint qui fait jaillir la sainteté là où on ne l’attendait pas. Comme Dieu doit être beau, comme Il doit être grand, comme Il doit être bon pour susciter déjà sur terre ces reflets de Sa gloire que nous admirons tant ! Et comme nous devons aimer l’Auteur de tels chefs-d’œuvre ! Voilà pourquoi nous sommes dans l’action de grâce. Voilà pourquoi nous devons aussi nous efforcer d’étudier et de suivre ces modèles que le Seigneur nous procure car, à travers eux, nous allons à Lui. Ils sont aussi des chemins, des voies d’accès pour nous aider à trouver l’amour de Dieu dans nos propres vies.

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Demandons également au Seigneur et, s’Il le permet, demandons-le Lui par l’intercession de celle qui L’a tant aimé, demandons au Seigneur que cette action de grâce ne soit pas stérile, mais fructueuse. C'est vrai, nous sommes ahuris, stupéfaits que tout cela se produise dans la vie d’une petite fille. Nous pourrions nous sentir petits, intimidés, voire effrayés. Et surtout ne pas vouloir la même chose pour nous ! Et pourtant, c'est chacun de nous que le Seigneur appelle. Nous sommes nous aussi, tous autant que nous sommes, une pensée de Dieu, un reflet de sa gloire éternelle. Nous sommes nous aussi porteurs de grâce pour notre prochain, voie d’accès à Dieu. Et si la pensée est illisible, si le reflet est terni, si la voie est bouchée, c'est notre prochain qui en pâtit. Si tous les catholiques du monde étaient des Anne-Gabrielle, ce serait le paradis sur terre !

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Alors, au cours de cette Messe, de ce Saint Sacrifice qui nous dépasse tant, mais où Dieu nous fait la grâce incroyable de s’unir à nous dans la Sainte Communion, demandons-Lui de ne pas mettre d’obstacle à Sa volonté en nous. Il y a forcément en nous, des refus de Sa volonté, des oui qui ne sont pas encore posés, des résistances. Dieu voudrait surgir en nous, tout purifier comme un fleuve d’eau vive, nous rendre resplendissants, c'est ce qu’Il propose à chacun de nous. Bien sûr, cela nous dépasse, mais Anne-Gabrielle n’était-elle pas dépassée par ce que le Seigneur faisait en elle ? Les saints n’ont-ils pas toujours été surpris de voir ce que le Seigneur faisait en eux ?

Alors non, que cette action de grâce ne soit pas stérile mais produise en nous de vrais fruits de sainteté. Nous ne devons pas sortir de cette église sans avoir promis au Seigneur de Lui ressembler un peu plus, de suivre Anne-Gabrielle à notre rythme, de changer un petit quelque chose dans notre vie, de nous laisser un peu davantage transformer en pur reflet de son amour infini.

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« Comme la Sainte Vierge doit être belle, et comme j’aimerais la voir ! », disait Anne-Gabrielle. La première, Marie a accepté Jésus en elle. La plus belle d’entre toutes les femmes est celle qui a su dire « oui » à la voix de l’ange, à la voix de Dieu. Elle nous aidera à dire comme elle : ecce ancilla Domini, voici la Servante du Seigneur.

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Merci Seigneur, pour la vie d’Anne-Gabrielle, merci d’avoir resplendi en elle, merci de nous avoir révélé en elle Votre amour infini. Ecce ancilla Domini. A notre tour, Seigneur, nous vous disons : voici la servante du Seigneur ; à notre tour et avec la Sainte Vierge Marie toujours à nos côtés, nous voulons Vous dire « oui », pour être transformés en reflet de Votre amour infini, pour Votre gloire et le salut des âmes. Amen.

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Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Ainsi soit-il.

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